Série 05 – Les hommes-loups (ou « Alep-Goya et retour »)
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Les hommes-loups
Les guerres du présent nous imposent de réunir deux phrases (trop) célèbres : « L’homme est un loup pour l’homme » (Plaute, Hobbes) et « Le sommeil (ou le songe) de la raison engendre des monstres » (Goya). Entre 1810 et 1820, Goya, justement, a réalisé les 82 gravures qui constituent Les Désastres de la guerre. Ces œuvres, si on sait les regarder, disent tout de l’horreur dont l’homme est capable. Elles disent cela de manière juste, dans la position de la victime (que ce soit le soldat ou le civil, l’homme ou la femme) et pas dans la position surplombante du général. Descriptives au début, elles deviennent au fil du recueil de plus en plus allégoriques, pour dire, notamment, toute l’animalité de l’homme. C’est donc logiquement à ce moment-là qu’apparaissent les loups – et les hommes-loups.
Avec l’intention de proposer une relecture visuelle des 82 gravures, je me suis demandé quel traitement leur infliger – et infliger au regardeur – pour les faire sortir des rayons confortables de l’histoire de l’art et leur rendre leur impact, pour réveiller leur pouvoir de révolte, pour faire renaître la puissance et l’efficacité de leur charge contre l’horreur de la guerre. Ma réponse tient en deux actes: le passage au négatif et la mise en pièces :
– Le passage au négatif. Le contenu des images ainsi inversées est difficile à lire. Sans effort, on voit parfois peu de choses. Il s’agit donc d’inviter le spectateur à se concentrer, à concentrer son regard. L’œuvre devient une énigme à résoudre, et l’acte de résolution permet l’accueil d’un sens enrichi. La soustraction invite à l’exploration, le moins offre du plus, la tension fait effet.
– La mise en pièces. Le geste est agressif : il s’agit de ne garder de chaque gravure qu’une mince bande verticale de rapport 3 sur 1. Pour sélectionner un détail, mais aussi pour faire une coupe, trancher, débiter l’œuvre originale afin de ne garder qu’une sorte de chute. De nouveau, il s’agit d’aller au plus par le moins, cette fois en allant au tout par la partie. A l’original par le reste. Au sens par le fragment.