Série 01 – Viaggio a Napoli
Ce diaporama nécessite JavaScript.
Viaggio a Napoli
On ne peut aller à Naples sans penser à Rossellini et à son Voyage en Italie (1954). Le film montre une femme anglaise qui erre dans la ville au volant de sa voiture de luxe. Protégée et isolée dans sa bulle, elle observe Naples, qui représente tout ce qu’elle n’est pas : c’est une ville baroque, trépidante, mais aussi mystérieuse, insaisissable. J’ai voulu voir Naples, de nos jours, avec le regard de cette femme, un regard qui n’ose pas vraiment l’immersion dans ce qu’il voit, un regard qui maintient un écran entre lui et le monde.
Le conducteur de motorino (Vespa, etc.), évidemment, n’est pas dans la situation de l’automobiliste. Dans la circulation, il est beaucoup plus exposé. Pourtant, lui aussi a souvent un pare-brise devant lui. Une surface qui, comme son nom même l’indique, lui sert de bouclier, d’écran contre le vent et les intempéries. C’est cette surface dont j’ai fait ici le cœur d’un dispositif photographique. Photographier à travers les pare-brise, c’était produire des images qui seraient à la fois derrière (l’écran) et dedans (dans la rue, dans la ville).
Développé en une série, le dispositif dessine, métaphoriquement, une phénoménologie du regard qui se protège. Un regard qui peut être, selon le contexte, celui de l’observateur, du voyeur, du photographe…
Que voit-on? D’abord peut-être les pare-brise eux-mêmes, au-dessus des guidons. Ensuite ce qu’il y a à travers les pare-brise, donc dans le cadre. Et enfin ce qui est à côté du cadre. Chaque cadre dessine un champ et un hors-champ.
Ce qui apparaît dans le champ est l’objet d’une sorte de visée. On se focalise dessus. On le cerne. Mais ce qui est hors-champ, ici – et c’est l’une des singularités du dispositif – on le voit quand même. Tout est donc dans la photographie, mais on peut sans doute dire que ce qui est dans le cadre fait image, et que ce qui est à l’extérieur fait réel.